mardi 30 novembre 2010
Archipel 1
Voyage en purée de pois. Les portes battent à chaque cahot, dehors la campagne est plate et invisible, bue par le brouillard, et les chevaux noirs, les tonnes à eau et les arbres. Un œil rond rose tyrien, l’eau tranquille, des caravanes emmêlées, des bouts de sacs accrochés aux branches. Des vaches blanches et laineuses comme des jouets posées dans la terre par un enfant géant. Le cou tordu des lampadaires d’alu à tête de dinosaure cyclope. 3V. 6V. 9V. Un cheval et sa couverture sur le dos. La porte du train qui bat, qui bat. Un paysage hors du temps. Qui marche dans ces chemins mouillés ? Quels mots restent accrochés dans buissons, sur les troncs embrumés ? Poteaux blancs rouillés, prés, prés, prés. Brume à nouveau, tout nappé, flouté, effacé. Le train nous balance dans tous les sens. Le vert, le vert des prés et le roux de leurs coutures d’arbres et de haies. Dès que la terre penche, on replonge dans la brume opaque et ses ombres chinoises de verre sablé. Une nuée suspendue d’oiseaux blancs étoilés, arrêté, en suspens, dessinant un espace invisible qui les porte au-dessus du champ de paille hérissé. Une pendule solitaire plantée dans la terre. Deux drapeaux rouges penchés, délavés comme des pétales de coquelicot. Un silo rouillé de toute beauté. Des maisons de pierre. Pierre ? Au toit noir. Des poteaux, des poteaux, des poteaux (je pense à ce roman écossais). Les fils électriques chargés de mouettes qui s’éparpillent à notre passage, puis reviennent. La terre des champs gorgée de lait, reflets du ciel blanc dans les flaques. Beaucoup de maisons maintenant. Des moutons, des vaches, des poules, des vaches, où sont les gens ? et un long tas de fumier comme la dépouille d’un Chewbacca mouillé…