(retour sur 3 jours à Londres, à l’invitation de Company of Angels, pour Theatre Cafe, festival centré sur les écritures théâtrales contemporaines pour la jeunesse)
La richesse de ces trois jours d’octobre 2010 à Londres n’a eu d’égale que leur profondeur. Pourquoi ? Sans doute parce que la qualité appelle la qualité. En faisant le pari d’un travail exigeant et fin dans toutes les étapes de sa préparation, les organisateurs ont préparé le terrain de la réussite et de l’originalité de leur festival européen.
Il faut placer les comédiens au cœur de ces trois jours et de mon enthousiasme. Leur engagement dans toutes les lectures ou spectacles a été formidable d’énergie et de subtilité. Quel plaisir de les retrouver trois ou quatre fois par jour dans des registres et rôles si différents, d’une pièce à l’autre, chaque fois maîtres d’une vraie présence physique qui sait préserver l’ouverture de la lecture ! Cette qualité de travail théâtral a fait écho à la finesse et la justesse dramaturgiques mises en œuvre pour présenter ces pièces pour la jeunesse de différents pays, pour les offrir au public professionnel venu de toute l’Europe, pour les lui ouvrir, dans toute la richesse de leur altérité.
Touché par ces qualités de direction et d’interprétation, l’auteur ou l’autrice de la pièce mise en lecture a ensuite répondu aux questions avec autant de sincérité que de générosité, et la discussion publique engagée avec son traducteur ou son metteur en scène et Chris Campbell, dramaturge au Royal Court, a chaque fois ouvert des champs de réflexion d’une vraie profondeur. Profondeur appelant, à son tour, les plus belles réflexions/questions de la part du public, conscient lui aussi de vivre un moment rare. Et cet esprit de curiosité chaleureuse et d’intelligence dans tous les sens du terme s’est prolongé sans fin lors de chaque pause.
Tout cela vient d’un vrai pari artistique : celui de la qualité et de l’engagement. Qualité du travail scénique et aussi des pièces choisies puis traduites en anglais, vivants témoins de la richesse dramaturgique contemporaine, car réellement différentes les unes des autres, écrites par des auteurs différentset travaillant dans des contextes culturels différents. L’altérité a ici été à la fois un moteur Et un lieu de rencontre artistique. Car rencontre réelle il y avait, et échos et ricochets entre ces pièces intimement liées par des questionnements essentiels qui débordent le cadre du théâtre pour la jeunesse : la mort, la violence et la brutalité/leur représentation, le rapport homme/animal, les mondes mentaux comme arme de survie, le sens caché des mots…
Et c’est dans ce vivier du théâtre d’aujourd’hui pour la jeunesse, qui avance partout en Europe, que les 8 épisodes d’“Ank ! Ang !”, le feuilleton théâtral multilingue et multiplumes de LABOO7 , ont été lus en bouquet final, en anglais, par une dizaine de jeunes comédiens virevoltants, couverts de plumes, maquillés de craie, via un montage inventif, plein d’images fortes et de sensations d’espace, et devant une salle comble qui lui a réservé un accueil enthousiaste. 6 des 9 auteurs avaient fait le déplacement jusqu’à Londres, depuis 5 pays différents, et la discussion qui a suivi cette lecture nous a confirmés que notre intuition dans ce travail collectif multilingue toujours en cours, associant étroitement les traducteurs à l’écriture migratoire, avait tout son sens, dans son fond comme dans sa forme.
Avec toute l’équipe de Company of Angels et leur festival Theatre Cafe, j’ai découvert un nouvel espace européen de réflexion théâtrale et d’échanges artistiques, aussi intelligent qu’ouvert et rare, centré sur le jeune public. J’espère que ses moyens iront croissant pour préserver l’indispensable qualité de travail qui le fonde et lui permettra, je l’espère, de rayonner longtemps, sans limite d’âge ni frontière.