jeudi 30 avril 2020

A rester à la maison… Staying at home… IX

A rester à la maison, les arbres leur manquèrent. Surtout à un enfant qui les adorait. Les arbres et la forêt lui manquèrent tellement qu'il se mit à rétrécir à vue d'oeil. Avant qu'il disparaisse complètement ou que quelqu'un lui marche dessus sans faire exprès, le grand cerf vint s'agenouiller devant lui : “Monte sur ma tête, lui dit-il, viens t'asseoir.” L'enfant minuscule crapahuta sur la tête du cerf et s'assit sur son front entre ses deux bois, enserrant chacun de ses petites mains. Le cerf se releva, l'enfant rit. “Ça va mieux ? demanda le cerf. “Oh oui !” cria l'enfant.

Staying at home, they missed the trees. A kid especially missed them as he loved them. He missed trees and woods so much, he began to shrink rapidly. Before he disappeared totally or someone walked over him accidentally, the big deer came and kneeled in front of him. “Jump on my head, he said, come and sit there.” The tiny kid climbed on the deer's head and sat on its forehead, between its two antlers, holding them firmly with his small hands. The deer stood up, the kid laughed. “Feeling better?” asked the deer. “Oh yes!” shouted the kid.


mercredi 29 avril 2020

A rester à la maison… Staying at home… VIII

Une grand-mère vivait parmi eux. Elle était chauve et elle adorait prendre des bains de pieds dans une bassine remplie d'eau salée. A rester à la maison, deux petits orifices s'ouvrirent au sommet de sa tête, par lesquels elle se mit à respirer puis à cracher des jets d'eau en l'air, régulièrement, comme une baleine. Des jets d'eau salée.

A grand-mother lived amongst them. She was bold and loved taking footbaths, soaking her feet in a basin full of salted water. Staying at home, two small hols opened on the top of her head. She began to breathe through them, then to spit regularly water streams in the air, like a whale. Salted water streams.


A rester à la maison… Staying at home VII

A rester à la maison, ils et elles réalisèrent que tout était dans tout et réciproquement : l'infiniment petit et l'infiniment grand. Les planètes habitaient au milieu de leur cuisine, les étoiles flottaient au fond de leur tasse de thé. Tous les espaces-temps co-existaient, superposés. Il suffisait de choisir dans lequel on voulait voyager.

Staying at home, they realized everything was in everything and the other way around : infinitely small and infinitely large. Planets were living right in their kitchen, stars were floating in their cup of tea. All space-times co-existed, piled up. One just had to pick up which one to travel in.


mardi 28 avril 2020

A rester à la maison… Staying at home… VI

A rester à la maison, ils et elles se mirent à jouer à “J'aimerais que…” Parfois, cela marchait. Avec les voeux d'animaux, souvent : “J'aimerais qu'il y ait un singe derrière la fenêtre, j'aimerais trouver un cheval sur le balcon, un vrai, un félin, un oiseau, un cerf de la forêt…” Etonnament, tous ces animaux ou presque étaient tachetés, comme le peuple de leur couettes : le cheval bleu pommelé, le chat taché sur l'oeil, le chien gris couvert de taches pâles comme la Voie Lactée, sans parler du bébé léopard chaud comme une bouillotte. Les corbeaux, eux, étaient d'un noir si dense qu'ils pouvaient écrire sur les murs rien qu'en frottant n'importe quelle partie de leur corps. Ce qu'ils préféraient écrire, pendant la nuit, quand tout le monde dormait, c'était des poèmes qu'on découvrait ensemble au petit déjeuner.

Staying at home, they started to play to “I wish there was…” Sometimes, it worked. Most of all, with animal vows : “I wish there was a monkey behind the window, I wish I find a horse on the balcony, a real one, a feline, a bird, a deer from the forest…” Surprisingly, quite all these animals were dotted, like the flocks living in their duvets : the blue horse was spotted, the cat had a stain on the eye, the grey dog was covered with pal dots like the Milky Way, not to speak of the baby leopard as warm as a hot water bottle. Only the crows were deep black, so dark they could write on the wall just by rubbing any part of their body. Their favorite writing form, at night, when everyone slept, was poems we all discovered together at breakfast.


jeudi 23 avril 2020

A rester à la maison… Staying at home… V

A rester à la maison, ils et elles eurent le temps de regarder, chaque matin, les message sybillins que les extraterrestres leur envoyaient sur les murs. Même sans comprendre leur langue, c'était une joie de savoir que d'autres êtres vivants leur parlaient aussi régulièrement. Et puis, personne ne sachant pas quand on pourrait de nouveau sortir de chez soi, ils et elles avaient tout le temps de l'apprendre, cette langue.

Staying at home, they found time to watch the cryptic messages aliens were sending on their walls, every morning. Without knowing their language, it was a pure joy to know that other living beings were talking to them as regularly as they did. And then, as no one knew when they would be allowed to get out again, they got plenty of time to learn that language.


mercredi 22 avril 2020

A rester à la maison… Staying at home… IV

A rester à la maison, ils et elles se rendirent compte que l'escalier qui remonte de la cave où on entrepose les poubelles ne menait pas au dernier étage mais montait plus haut, en colimaçon de plus en plus serré : jusqu'au sommet d'un phare. La nuit, une lampe éblouissante y tournoyait, éclairant les vagues à l'écume phosphorescente. Le jour, on voyait la mer à 360°, ses incroyables couleurs changeantes, la course des nuages dans le ciel, leurs formes qui racontaient des histoires et tous les oiseaux marins qui passaient derrière les vitres arrondies. Leur verre épais laissait passer le fracas des vagues, les cris des oiseaux et la chanson du vent. Pour changer d'horizon, en revenant des poubelles, il suffisait de ne pas s'arrêter devant la porte de la maison en remontant des poubelles, mais de continuer sa montée, à bout de souffle, jusqu'au sommet du phare. Le mieux, c'était quand il pleuvait. Debout au milieu de la tempête, à l'abri, à tout regarder.

Staying at home, they realized that the stairs they took back from the basement where bins were stored did not lead to the last floor but way above, the spiral staircase shrinking more and more: to the top of a lighthouse. At night, a dazzling light turned around there, casting its brightness on the waves, on their phosphorescent foam. During the day, one could see the sea on a 360° view, its unbelievable changing colors, the clouds race in the sky, their shapes telling us stories and all the sea birds passing by behind the curved windows. Their thick glass let hear the rumble of the waves though and the calls of the birds and the song of the wind. To change horizon, back from taking down the trash, one just had not to stop at home's door but to pursue climbing the stairs, breathless, to the top of the lighthouse. Best times were when it rained. Standing safe in the middle of a storm, watching everything.


lundi 20 avril 2020

A rester à la maison … Staying at home… III

A rester à la maison, ils et elles entr'aperçurent le Lièvre de Pâques. Chacun.e n'en entrevit qu'un détail, pendant la fraction de seconde que cela dura : une oreille duveteuse, les longues jambes sortant d'un short rouge à franges, le col doré d'un t-shirt violet, le panier plein d'oeufs peints dans les bras, et tout le monde crut crut avoir rêvé mais l'instant suivant, c'était plein d'oeufs cachés partout. Le dernier trouvé était emballé dans une lettre qui sentait bon l'herbe coupée et disait, en majuscules jaunes : “Extraordinaire ! D'habitude, personne ne peut me voir car je me déplace plus vite que la lumière mais vous, vous observiez tellement intensément chaque instant que vous m'avez vu passer, au vol. Bravo !” Le parfum de ce dernier oeuf était chocolat-anchois.

Staying at home, they caught a glimpse of the Easter Hare. During the fraction of a second it last, everyone glimpsed one detail only : a fluffy ear, long legs coming out from a reds unthreaded shorts, the golden neck of a purple tee-shirt, the basket full of painted eggs in its arms and everyone thought that it's been a dream but next moment, home was fill of hidden eggs everywhere. The last one they found was wrapped in a letter that smelled so good of freshly cut grass and said, written in yellow capitals : “Awesome ! Usually, no one can see me as I move faster than the speed of light but you, as you were watching each instant intensely, you caught me passing by. Congratulations !” This last egg was an anchovies-chocolate one.


mercredi 8 avril 2020

A rester à la maison… Staying at home… II

A rester à la maison, ils et elles découvrirent que leurs couettes étaient habitées par de nombreux animaux. Le meilleur moment pour les observer, c'était tôt le matin, au réveil, ou le soir, au coucher. Là, si on restait immobile, sans faire de bruit, on commençait à les voir apparaître à la place des plis et des bosses de la couette : un poisson, un éléphant, un chien moucheté, une vache, une baleine… Qu'est-ce que toute cette faune devenait pendant la journée ? Elle s'allongeait sous le vaste manteau de neige de nos lits faits et personne n'aurait pu soupçonner sa présence. Le soir, quand on se recouchait, quand on s'immobilisait, sans parler, les animaux qui vivaient à l'intérieur de nos couettes ré-apparaissaient, l'un après l'autre : une chèvre pointillée, un cheval, un ours polaire, un lièvre… qui se glissaient dans nos têtes quand on s'endormait, pour habiter nos rêves.

Staying at home, they discovered that their duvets where inhabited by lots of animals. The best time to observe them was early morning, waking up, or at night, when going to bed. There, when we stayed perfectly still, they appeared, one by one, where there were bumps and folds : a fish, an elephant, a spotted dog, a cow, a whale… Where did all that wildlife go during daytime ? It lay down under the wide snow coat of our beds once made and no one could ever spot it. At night, going back to bed, one had to stay still again so that the animals living inside our duvets reappeared, one by one : a dotted goat, a horse, a polar bear, a hare… who slipped into our sleeping heads, to inhabit our dreams.