Ça y est, "AU FEU ! C’EST COMMENT QU’ON VA OU ?", les deux journées de réflexion autour du théâtre jeune public viennent de commencer à la Maison de la Culture Plateau-Mont Royal, de l'autre côté de l'Atlantique, à Montréal, organisées par Eve Bouchard, Sylvain Cornuau (Le Carrousel) et Marie-Eve Huot (Théâtre Ebouriffé).
Alors je mets en ligne le texte qu'ils m'ont demandé, en réponse à cette question : “Qu'est-ce qui brûle en vous, en tant que créateur pour le jeune public ?” et j'ai hâte de lire les autres réponses d'Annabelle Sergent, Suzanne Lebeau, Sébastien Harrisson, Louis-Dominique Lavigne, David Paquet, Martin Bellemare, Geneviève Billette, Alain Grégoire et Mélanie Brisebois.
“Le plaisir, la colère et l’urgence
Ce qui brûle en moi, c’est l’intense plaisir de la fiction, ce monde étrange, chaleureux et puissant qui se nourrit du quotidien que je traverse pour faire naître d’autres mondes cousins, reliés, échos, reflets déformés, qui se recréent sans cesse.
Ce qui brûle aussi, c’est la force des mots, inépuisable, la joie de nager à l’instinct dans leur flot, leur puissance encore accrue sur scène, et leur goût, leur image, leur résonnance, leur rythme, leur sens multiple, leur façon de se faire attendre puis de surgir pour battre et danser jusqu’à ce qu’ils trouvent leur place.
Ce qui brûle, c’est tous ces personnages aux corps incandescents qui arrivent soudain dans ma tête, s’y installent le temps que je les écoute puis disparaissent pour laisser la place aux suivants, ne laissant derrière eux qu’une odeur particulière, une ombre ou quelques miettes.
Ce qui brûle, aussi, c’est la colère. Colère de voir la fiction amenée sciemment à disparaître de nos vies et de nos pensées, entraînant avec elle l’idée de modifier la réalité, de réécrire le quotidien, de conjuguer au futur, de multiplier les possibles, d’éviter les boulevards, d’inventer de nouveaux buts et chemins. Sans fiction, plus de rébellion. Sans fiction, plus tant de goût au réel, non plus.
Ce qui brûle, depuis quelque temps, c’est l’urgence de mettre nos pieds dans les portes du théâtre vivant pour les empêcher de se refermer au nez des jeunes, des enfants, du public non familier qui n’ose pas entrer. Et l’urgence, toujours, d’embrasser ce public dans une vaste foule de spectateurs de tous âges, sexes, horizons, langues et cultures, sans les séparer en sous-groupes cloisonnés, pré-divertis ou calibrés : qu’ils s’y rencontrent, au contraire, pour partager leurs émotions.
Car ce qui brûle en moi, depuis plus de vingt ans, c’est l’extraordinaire intensité possible de cette rencontre éphémère, entre humains : lorsqu’entre scène et salle, comédien/ne/s, spectateur/trice/s, auteur/trice/s, technicien/ne/s, artistes et administratif/ve/s conjuguent leur travail et leur sensibilité pour atteindre ces instants rares où nous partageons quelque chose de sauvage, d’éblouissant, de troublant et d’inexplicable qui nous parle de nos vies et nous accompagne, une fois les lumières rallumées, pour longtemps.
Au feu ! C’est comment qu’on va où ? Ce qui brûle en moi, depuis vingt ans que je travaille dans le théâtre pour les enfants et les adolescents, c’est des braises. C’est moins spectaculaire que les flammes, mais ça résiste au vent, au froid, au temps, et quand on souffle dessus, chaque fois qu’on veut, ça lance un nouveau feu (de joie ?).”
vendredi 18 novembre 2011
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