vendredi 14 mai 2010

Porto - Fazer a festa et MAD



Invitée à Porto (Portugal) pour la 3° Semana Atinj, dans le cadre du festival de théâtre jeune public “Fazer a festa” : une pluie de pétales, d’émotions et de réflexions

Qu’est-ce qui fait la qualité et la force d’un spectacle pour le jeune public ? Pour moi, (comme dans le théâtre pour adultes) c’est la place laissée au spectateur pour qu’il puisse se faire son propre spectacle mental, pour qu’il puisse se sentir invité et actif dans le dialogue avec ce qui se joue sur scène. C’est cet espace irréel, irrationnel, né du travail au plateau, de l’écriture, du jeu avec la langue, les mots, …etc. qui invite le spectateur à ressentir plus qu’à réfléchir, dans l’instant de la représentation, et rend l’histoire plus vraie que la réalité.
Comme tout le début du spectacle “O Rei vai nu”, ce jeu sensuel de tissus et de plis, ce ballet de bouts de corps, muet, ces déplacements étonnants, toute cette attente habitée qui nous met en appétit.
Ou la simplicité hypnotique d’“História do Sábio Fechado na sua Biblioteca”, une dramaturgie si dense et ouverte en même temps qu’en quelques minutes, nous entrons à l’intérieur de la tête du héros d’où nous vivrons tout le spectacle.
Ou l’incroyable rapport de l’image, du son et de l’histoire dans “Il Colombre”, qui nous fait physiquement et personnellement ressentir le temps qui passe, la brièveté de la vie, son cycle qui nous embarque et l’humour, la nostalgie et le dérisoire qu’il produit.
Ou encore le vertige d’“Historia da Ilha do Tesouro de Stevenson” dans lequel, bien que nous sachions qu’il n’y a que deux comédiens, nous voyons soudain une foule cosmopolite bondir sur le pont du bateau… puis disparaître… puis revenir…etc.
Ou la vivacité et l’humour du flot de langue des marionnettes d’“O Mamulengo de João Redondo” qui nous emporte (même non-lusophone !), dans son tourbillon d’histoires hilarantes pleines de rebondissements.
Tous ces espaces où le réel et la fiction se répondent, toutes ces façons si différentes d’ouvrir des portes et des brèches dans le rationnel de nos vies sont autant de points d’invitations et de rendez-vous entre enfants spectateurs et adultes créateurs, entre public et équipes artistiques. Sans cet intervalle, sans cet espace où TOUT est possible, le spectacle collerait au plancher et n’offrirait pas de place suffisante pour que les spectateurs puissent s’y sentir invités ou y rêver.

Comme l’a dit Joao Luiz, “l’univers est logique mais nos vies sont impossibles à saisir logiquement”, voilà pourquoi le théâtre, cet endroit où nous pouvons recréer la vie différemment pour mieux nous la raconter, les uns aux autres, sans limite d’âge, est si important. Et c’est ce “différemment” qui crée la force du théâtre et lance une passerelle entre le public et ceux qui sont venus lui parler ? Ce sont les parti-pris esthétique ou dramaturgique, les inventions de jeu, de langue, d’écriture, de dramaturgie et tous les “trous” laissés intentionnellement, les non-dits, les suggestions, qui invitent le spectateur à entrer dans le dialogue que nous lui tendons, pour y prendre sa place, personnellement, et partager plaisir et émotion. Il faut faire confiance à l’intelligence et à la sensibilité de nos spectateurs, y compris et surtout les plus jeunes : la force des spectacles représentés pendant cette 3° Semana Atinj nous l’a prouvé.

Je vais garder en mémoire la richesse de ces quelques jours intenses passés à Porto, pour la 3° Semana Atinj, pendant le 29° Festival Fazer a festa, dans les magnifiques jardins du Palácio de Cristal. Je vais garder toutes mes émotions de spectatrice et puis la chaleur humaine, l’intensité des discussions, les cris des paons, l’ombre des grands arbres, la beauté du coucher de soleil sur le fleuve ou de la pluie oblique des pétales pâles sur l’eau verte, et j’espère que nous aurons bientôt de nouvelles occasions aussi belles de nous rencontrer pour pouvoir échanger sur nos expériences artistiques, nos désirs, nos questionnements poétiques et politiques : c’est le meilleur moyen de faire grandir l’Europe du théâtre contemporain pour le jeune public.



J'ai aussi assisté à la lecture en portugais de ma pièce Marzïa, écrite il y a deux ans à Lisbonne, grâce au projet “Partir en écriture” de Patrice Douchet/Théâtre de la Tête Noire (et traduite par Alexandra Moreira-Silva, avec le soutien de Beaumarchais) dans le cadre de la Mostra Anual de Dramaturgia, hébergée par le festival.

Son résumé en portugais : Na ponta de um cais deserto, em frente ao rio, Marcia, a mãe, espéra… os turistas que dantes vinham em grande numéro à Estrela do Sul ; Nuno, o marido que tem de ir cada vez mais longe para arranjar trabalho ; et Luis, o filho ; e Alvaro… É carnaval, e os fanstasmas reaparecem. “Situada no cais de Almada, à beira Tejo, a acção apresenta-se fragmentada, obedecendo a um rigoroso processo de montagem de Quadros e de imagens, com vista à construção de um vasto painel onde cerca de vinte personagens existem através da evocação continua de cheiros, de sabores, de sons, de cores, na sua maioria inspiradas pelo elemento aquático.” AMS.

Dans cette lecture dirigée par Jorge Louraço Figueira et Mafalda ??, tous les fantômes étaient incarnés, jeunes comédiens en noir, Vasco a pris une présence étonnante derrière ses ray-ban fumées et un paon ou un vieux jogger sont passés pendant la lecture, dehors, sur le balcon du Palácio de Cristal…