lundi 13 juin 2011
Granville an 1 : Ecrire pour nos oreilles
Au début de cette saison, le Théâtre de l’Archipel, Mme Millet, enseignante de français et moi, nous avions envie de partager le plaisir de l’écriture vivante avec les élèves du lycée Marland. Parce que les oreilles sont des spectatrices fines, ouvertes, sans préjugés et extrêmement sensibles dès l’adolescence, nous avons choisi d’explorer le vaste territoire de l’écriture radiophonique avec une classe de Terminale Bac Pro.
Partis des mêmes feuilles blanches, nous avons cheminé pendant 6 mois côte à côte, de la réalité à la fiction, à travers brouillons, essais, impressions et lectures à voix haute, de la salle E2 à la plage d’Hacqueville, en passant par le blog de l’Archipel. Nos blocs, copies, carnets et cahiers se sont couverts de mots, de ratures, de flèches et de réécritures. Ecrire dehors en plein vent, écrire dans le sable de la plage, écrire même au lycée, et durant quelques minutes, le quotidien disparaît de notre horizon intérieur métamorphosé… voilà les moments que, régulièrement, nous avons partagé, dans une ambiance de plus en plus joyeuse et intime à la fois.
Je suis en train de terminer ce qui est devenu un feuilleton radiophonique en 7 épisodes, “La nuit la nuit”, et les élèves ont écrit une multitude de textes libres, solos, dialogues, pensées, qui s’entrecroisent et se font finement écho. C’était là notre double défi : qu’ils prennent un plaisir personnel à écrire ce qui leur semblait le plus important, pour eux, à leur façon, et que nous partagions un réel espace-temps artistique à travers les mots et les sons. Ces textes, toutes et tous sont venus les enregistrer eux-mêmes, dans le studio du lycée d’en face, entre quatre couvertures, tout un après-midi suspendu à nos oreilles, à nos intuitions, et les objets sonores qu’Olivier Chaumat en a composés sont l’aboutissement simple et magnifique de ce cheminement artistique partagé.
Dans cette rencontre d’écriture au long cours, quel engagement de chacune et chacun à s’écouter ressentir et penser, quelle force de chaque monde intérieur et quelle sensibilité de chaque personnalité, conjuguées avec une riche sensorialité. Quelle intensité d’écoute, chaque fois qu’on se lisait nos brouillons à peine jetés sur le papier, les uns aux autres. Les mots appartiennent à tous, à chacune et chacun d’entre nous, ils sont à la fois nos armes et nos trésors secrets qui ouvrent, chaque fois qu’on travaille avec eux, tout un monde d’histoires et d’émotions à partager.